C’est désormais acquis que les systèmes d’alimentation seront tous à injection directe pour répondre aux prochaines normes de dépollution. Pourtant, certains constructeurs combinent les deux principes.

Le sujet est récurent, les moteurs traditionnels évoluent dans de multiples directions, avec un dénominateur commun, obtenir plus de puissance avec moins d'énergie consommée. C'est à la fois le témoignage que le progrès ne s'arrête pas, et que les ingénieurs se battent pour sauvegarder l'intérêt du moteur à 4 temps face au moteur électrique, dont on nous promet l'arrivée imminente.

Bien entendu, chaque constructeur se bat pour son image, il en est un qui se démarque par sa vitalité et son pragmatisme, c'est Toyota. S'il a cédé sa place de numéro un mondial, le constructeur japonais n'en est pas moins présent sur tous les continents et sur tous les fronts technologiques. Pionnier de l'hybridation, Toyota conserve une fibre traditionaliste qui lui permet de présenter un coupé sportif, le GT86, qui conserve une architecture traditionnelle moteur avant et propulsion, avec un 4 cylindres à plat venant de chez Subaru, et la première d'une injection qui dans la tradition de Toyota pourrait être qualifiée d'hybride.

En effet, et c'est une exception chez les motoristes, Toyota a mélangé les genres pour sa technique D-4S. Jugeant sans doute insuffisante l'efficacité de l'injection directe, que tous les constructeurs plébiscitent désormais, l'injecteur placé dans la chambre de combustion se double d'une injection dite indirecte, dans le conduit d'admission, en aval des soupapes d'admission. A l'injection directe les hauts régimes et la puissance contrôlée, à l'alimentation indirecte les régimes intermédiaires et la reprise, où l'afflux de carburant est nécessaire. Avec ses deux technologies associées, Toyota cherche à la fois à faire fonctionner l'injection directe avec une optimisation du rapport entre volume d'air et d'essence (l'équilibre stœchiométrique de 1 à 15) et demande à l’injection indirecte la puissance maximale. Pour l’obtenir, il faut en général envoyer le maximum d'essence qui permet d'utiliser le maximum d'air. Ce principe vient compenser le manque de diffusion de l'essence dans le volume d'air qui remplit la chambre de combustion, en fin de compression.

Pourquoi pas Porsche ou Ferrari

Les constructeurs européens de voitures de sport n'ont pas choisi cette voie, et se contentent, si l'on peut dire, de n'utiliser que l'injection directe. Aussi bien Toyota que Porsche, Audi, Mercedes ou Ferrari ne font pas leurs systèmes d'alimentation eux-mêmes. Ce sont des équipementiers qui les développent et qui livrent les pièces sur la chaîne de montage, avec bien sûr des réglages spécifiques. C'est souvent Bosch pour les européens, Denso pour Toyota. Est-ce à dire que l'allemand propose des équipements plus performants et mieux réglés, ou que Denso fait une croix sur une partie du coût ? Peut-être un peu des deux, et surtout la volonté de Toyota d'optimiser son moteur. Le constructeur a désormais une réputation à défendre avec l'image donnée par les hybrides Prius et Lexus. Même les sportives doivent être économes en énergie, à l'image de la Toyota hybride de sport prototype du championnat du Monde WEC et des 24 Heures du Mans. La puissance obtenue par Toyota sur ce moteur d'origine Subaru n'est pas ridicule ; le 2.0 l développe plus de 100 chevaux au litre, avec des consommations annoncées de moins de 8,0 l aux 100 km. Pas mal pour une sportive pure et dure.

Beaucoup de monde sous le capot de la GT86, avec le double système d'injection, il y a pratiquement le double de tuyauterie et 8 injecteurs.

L’avis des, ingénieurs chez Toyota

Dès 2006, Toyota évoque la bi-injection lors d'un congrès d'ingénieurs, et en explique le fonctionnement. "L'objectif de cette technologie est d'obtenir la puissance absolue la plus élevée pour un moteur atmosphérique, en regard de la cylindrée, tout en maîtrisant la consommation dans les meilleures de la catégorie", annonce d'entrée l'équipe menée par Takuya Ikoma, Shizuo Abe, Yukihiro Sonoda et Hisao Suzuki, de Toyota. Le parfait équilibre du moteur dans toutes les plages de fonctionnement est le gage d'une utilisation optimisée du carburant. Pour l'obtenir, l'injecteur placé dans la chambre de combustion a fait l'objet d'un développement spécifique, avec une buse à jet en éventail qui pulvérise l'essence de chaque côté de la bougie en améliorant la répartition de la combustion. "Les premiers systèmes d'injection directe utilisaient la technique de la stratification pour optimiser la combustion dit le responsable de l'étude. Trop polluante, c'est la combustion homogène qui s'est imposée, mais elle n'est pas aussi efficace dans toutes les phases. C'est la raison de l'apport de l'injection indirecte." Mais le système nécessite une adaptation de nombreuses pièces périphériques. "Pour permettre l'utilisation correcte de la technique D-4S, le moteur doit être développé spécifiquement. C'est un choix stratégique qui renforce l'exclusivité de cette technique." Concluent les ingénieurs.

Comment ça marche ?

Au démarrage, les deux systèmes d'injection fonctionnent simultanément. Moteur froid, l'enrichissement temporaire permet une montée en température plus rapide du catalyseur. La pollution est réduite d'autant. L'injection repasse alors en direct. Le circuit d'injection directe reste néanmoins sous pression (3 bars), prêt à fonctionner dès que le besoin s'en fait sentir. Le mélange obtenu en injection directe est dosé au plus proche de l'équilibre stœchiométrique (15 ou 16 à 1 d'air par rapport à l'essence). A charge moyenne, les deux systèmes sont sollicités. Le mélange est néanmoins légèrement appauvri (entre 12 et 15 à 1). Le fonctionnement est plus régulier. A forte charge, l'injection directe reprend ses droits. Le carburant injecté permet de refroidir la chambre de combustion et limite le préallumage. Le rapport volumétrique peut être augmenté sans risque et avec un meilleur rendement.

Philosophiquement, la GT86 s'inspire de la 2000 GT des années 60, mais ultra sportive à l'époque, la version des années 2015 sera une boule de nerf écologique.

Une technique temporaire

Il y fort à parier que cette technique soit temporaire. Les brevets exploités par Toyota et Denso ont déjà plus de 10 ans ! Les progrès de fonctionnement des injecteurs et des systèmes de gestion évoluent rapidement, aidés par l'utilisation de technologies de modélisation très développées et de commande piezo électriques, par exemple, qui n'existaient pas il y a encore 7 ans. C'est sans doute le coût qui aura raison de la technique D-4S, car cette injection comporte deux systèmes complets en parallèle !